« Sophrologie et acouphènes »
16 millions de personnes, soit une personne sur quatre, souffriraient d’acouphènes en France selon un sondage réalisé lors de la journée de l’audition de 2014. Avec l’hyperacousie, les acouphènes sont des symptômes de plus en plus fréquents dans les consultations ORL et concernent toutes les tranches d’âge.
Qu’est-ce-qu’un acouphène ?
Les acouphènes sont des bruits « parasites » qu’une personne perçoit dans ses oreilles. Ces bruits sont très variables d’une personne à l’autre : il peut s’agir de sifflements, de bourdonnements ou de cliquetis par exemple. Ils peuvent être perçus dans une oreille ou les deux, et parfois même à l’intérieur de la tête.
Dans de rares cas les acouphènes peuvent être objectifs, c’est-à-dire liés à un bruit réel et mesurable, créé par une anomalie dans la région de l’oreille interne. Il peut s’agir d’une malformation vasculaire ou d’une lésion de la cochlée. Une intervention chirurgicale peut souvent résoudre le problème.
Mais dans 95% des cas, il s’agit d’acouphènes subjectifs, c’est-à-dire perçus sans qu’il y ait de stimulus extérieur correspondant. Ces « sons fantômes » n’ont de réalité que dans le conduit auditif des personnes qui les perçoivent. Ces acouphènes subjectifs pourraient être dus à des lésions des cellules ciliées, les cellules de la cochlée qui perçoivent les vibrations sonores. En ondulant sous l’effet des vibrations, les cils transmettent un signal au nerf auditif. En cas d’acouphènes, les cils bougeraient malgré l’absence de son et transmettraient ainsi un signal erroné et permanent au nerf auditif. L’anomalie pourrait également se situer à l’intérieur de la synapse entre les cellules ciliées et les fibres nerveuses du nerf auditif.
Auditif et émotionnel : deux systèmes étroitement liés
Les centres auditifs qui détectent les sons et traitent l’information sont en lien direct avec le système limbique (c’est-à-dire émotionnel) de notre cerveau, lui-même très en lien avec le système nerveux autonome.
Un processus à bien comprendre : tous les sons provenant de l’extérieur ou de l’intérieur du corps sont détectés et traités par les centres auditifs, puis perçus et évalués par le cerveau. Quand il s’agit par exemple d’un gargouillis d’estomac, le son est détecté et traité comme signifiant « j’ai faim ». Ce bruit ne représentant donc aucun danger (à partir du moment où l’on se trouve dans un contexte qui permet de se nourrir facilement), il va disparaître tout naturellement car le cerveau ne l’interprètera pas comme une menace potentielle.
Or, pour tout être humain, un signal sonore non répertorié dans la « base de données » cérébrale est un signal d’alerte pouvant indiquer un danger éventuel.
Ainsi, quand un acouphène apparaît, il va en premier lieu générer un questionnement au niveau du cerveau : « Quel est ce bruit ? »
A partir de là, deux options :
- L’individu concerné est de nature plutôt optimiste, parvient généralement assez bien à gérer les situations nouvelles (donc stressantes). Son cerveau répondra alors à la question par une réponse du type : « Ce n’est rien, ça va passer ». Et c’est effectivement ce qu’il va se passer : le bruit va finir par disparaître car la personne n’y prêtera du coup plus aucune attention.
- L’individu concerné est au contraire une personne qui a tendance à facilement s’inquiéter, qui a généralement du mal à « apprivoiser » le stress ou tout simplement qui traverse à ce moment là une période de vie plus difficile. Son cerveau va alors donner une réponse du type : « Qu’est-ce que c’est que ce bruit ? Est-ce-que ça va persister ? Est-ce le signe d’une maladie grave ? etc…..
C’est évidemment dans cette seconde hypothèse qu’un cercle infernal va se mettre en place puisque plus les émotions négatives vont être importantes, plus le système nerveux (et surtout sa branche ortho-sympathique) va être stimulé et plus l’intensité de l’acouphène va augmenter.
Le sujet va donc finir par être obsédé par ce bruit dont il ne pourra pas se détacher et sera bientôt envahi par l’angoisse et le stress qui ne viendront que renforcer le phénomène et ainsi de suite.
La solution ? Faire diminuer, voire disparaître, la réponse émotionnelle générée par l’acouphène pour retirer à ce dernier son caractère perturbant et le rendre neutre.
Et c’est bien sur à ce niveau que la sophrologie montre tout son intérêt, en lien, le cas échéant, avec un traitement médical (notamment pour gérer l’anxiété trop intense) et un appareillage technique temporaire (bruiteurs).
L’apport de la sophrologie en cas d’acouphènes :
La sophrologie va principalement agir sur 3 axes :
– la respiration pour ré-équilibrer le système nerveux autonome ;
– la relaxation physique pour se réapproprier son corps différemment ;
– la visualisation pour développer une vision différente de soi-même et de sa vie.
1 – La respiration
Comme évoqué dans un précédent article, la respiration est notre premier besoin vital et est donc LA fonction qui nous connecte véritablement à la Vie.
Une respiration consciente, tranquille et plutôt abdominale va aider le sujet acouphénique à calmer ses pensées souvent négatives en lien avec son symptôme ce qui est déjà une première étape fondamentale.
Mais il y a plus ! Agir sur la respiration va permettre de ré-équilibrer le système nerveux autonome. Pourquoi ?
Tout simplement parce que la fonction respiratoire est en lien direct avec le système neveux autonome (SNA). Pour schématiser, le SNA est composé de deux branches distinctes :
– la branche ortho-sympathique qui nous permet d’être en état de veille active et, lorsque cela est nécessaire, de mobiliser l’ensemble de l’organisme pour fuir ou combattre (les deux principales réponses au stress programmées en nous).
– la branche para-sympathique qui elle nous permet d’être en état de repos, de calme, voire de sommeil.
Les deux branches de ce système fonctionnent grâce à des neuro-transmetteurs qui circulent dans l’ensemble du corps grâce au réseau nerveux : l’adrénaline notamment pour la branche ortho-sympathique, l’acéthylcoline pour la branche parasympathique.
Or, les deux branches du SNA sont impliquées dans le fonctionnement de beaucoup de nos fonctions vitales involontaires telles que les battements du cœur et la respiration.
La respiration étant la seule fonction involontaire du corps que l’on peut relativement facilement contrôler, on comprend alors que grâce à certains exercices respiratoires, il nous devient possible d’agir sur notre système nerveux central et donc d’avoir un effet sur notre manière de réagir aux situations stressantes.
Concrètement : à l’inspiration, c’est la branche ortho-sympathique qui intervient (tension), à l’expiration, c’est la branche parasympathique qui prend le relais (relâchement). Dans l’idéal, nous avons besoin que les deux branches du SNA fonctionnent de manière fluide et harmonieuse car nous avons alternativement besoin d’être en état de veille ou de tension et en état de calme puis de sommeil.
On l’aura compris, une personne souffrant d’acouphène aura particulièrement besoin de faire « redescendre » son ortho-sympathique sur-sollicité, au profit du para-sympathique qui va devoir être stimulé.
Ainsi, il conviendra de pratiquer des exercices d’équilibrage inspire-expire mais aussi d’allongement de l’expire pour aider la branche para-sympathique à reprendre le dessus.
2 – La relaxation physique
Apprendre à se relaxer, à installer le calme et la détente en soi va être un autre moyen utilisé par la sophrologie pour aider le patient souffrant d’acouphène. En effet, peu à peu, le sujet va réaliser qu’il détient une compétence qu’il ignorait – celle de détendre son corps – ce qui va lui redonner une forme de maîtrise sur lui-même, maîtrise qu’il avait eu tendance à perdre , envahit par ces bruits parasites.
En outre, l’état de relaxation, qui est un état particulier aux caractéristiques scientifiquement identifiées, va permettre de réduire peu à peu la fatigue souvent accumulée par les sujets acouphéniques. Il est admis que 20 minutes de relaxation valent environ 2 heures de sommeil. L’état de relaxation va aussi permettre un ré-équilibrage des hémisphères droit et gauche du cerveau avec là encore un effet positif sur le système émotionnel.
Enfin, la pratique de la relaxation, associée à un travail sur les sens, va aider à percevoir et ressentir le corps d’une manière différente et plus seulement comme une source de souffrance à travers le symptôme des acouphènes.
3 – La projection positive
C’est le troisième axe d’action de la sophrologie qui va aider le patient acouphénique à briser la boucle infernale dans laquelle il est enfermé.
Je l’ai évoqué dans un précédent article (Le coping), le cerveau ne fait pas la différence entre les situations réellement vécues et les situations imaginées.
C’est de cette particularité dont va se servir la sophrologie pour aider le sujet souffrant d’acouphène. De fait, en cas d’acouphènes, un certain nombre de situations deviennent presque insupportables : les ambiances un peu trop bruyantes, les réunions familiales ou amicales et évidemment les événements du type concert, a fortiori si l’apparition des acouphènes fait suite à un concert.
Pour résumer, les patients acouphéniques vont avoir tendance à s’enfermer peu à peu dans la solitude mettant en place des stratégies d’évitement pensant ainsi souffrir le moins possible.
L’objectif va donc être de progressivement permettre à la personne concernée de s’habituer à nouveau aux bruits ambiants, voire après quelques séances, à être en mesure de participer à des événements particulièrement bruyants.
Ainsi, grâce au suivi médical de l’ORL, à un éventuel bruiteur proposé par un audioprothésiste et à un accompagnement par un sophrologue formé, la patient apprendra peu à peu à redevenir acteur de sa vie, à mieux gérer ses émotions pour parvenir à mettre ces bruits parasites à distance et ainsi reprendre une vie normale.
Quoi qu’il en soit, si vous souffrez d’acouphène ou d’hyperacousie, n’hésitez pas à aller consulter un ORL en premier lieu. Et si ce spécialiste ne vous semble pas très sensibilisé à ces troubles (cela arrive parfois), trouvez-en un autre qui le sera. Une quarantaine d’équipes pluri-disciplinaires spécialisées dirigées par des ORL et intégrant audioprothésistes et sophrologues travaillent actuellement sur l’ensemble du territoire à la prise en charge des patients acouphéniques et/ou hyperacousiques. Renseignez-vous !
Voici quelques liens utiles :
www.afrepa.org (liste des équipes pluridisciplinaires)
www.pole-sophrologie-acouphènes.fr (liste des sophrologues spécifiquement formés à ces troubles)
Sylvie Renoulet
Consultations de sophrologie à Sélestat et Colmar
Formation de sophrologue Alsace