Vouloir est pouvoir: voilà un titre qui pourrait être un sujet de philo proposé au bac ! Pourtant ce n’est pas à nos jeunes bacheliers auxquels je pensais en ayant l’idée de cet article mais bien aux apprentis sophrologues de notre école et d’ailleurs et au risque toujours présent d’influencer son client.
Lorsque je forme de futurs sophrologues, j’attache beaucoup d’importance à ce que j’appelle la « posture basse ».
C’est une notion assez courante dans les formations au métier de coach et de relation d’aide en général mais qui est peut-être moins évidente dans le domaine de la sophrologie sans doute en raison du fait qu’en tant que sophrologue, nous sommes amenés à donner des conseils et à transmettre des techniques donc à être en position de celui « qui sait » face à notre client. Pour autant, je considère que cela n’enlève en rien le fait que celui qui a les réponses à la question d’un point de vue psychique et humain, ce n’est pas le sophrologue mais bien le pratiquant.
Bien sûr le sophrologue va expliquer comment respirer, va proposer des protocoles qui vont guider le client vers son objectif mais toutes ces pratiques seront suscitées par les éléments donnés par le client sur lui-même, son contexte, son histoire. Ce n’est pas le sophrologue qui décide du résultat à atteindre, ni du temps que cela va prendre ni même de la façon dont le client va évoluer. Au-delà de la maîtrise des techniques et des protocoles il est donc fondamental que le sophrologue sache rester humble quant à sa pratique et ne perde jamais de vue qu’il n’est là « que » -et c’est déjà beaucoup- pour aider le pratiquant à voir, à explorer et exploiter les ressources qui sont déjà en lui mais qu’il ne connaît pas ou ne vois pas encore.
Ceci implique donc un lâcher-prise total sur tout ce que l’on serait susceptible de vouloir pour notre client ….. y compris de vouloir qu’il atteigne l’objectif pour lequel il nous consulte. Cela semble paradoxal et pourtant, mon expérience en tant que sophrologue et superviseur de sophrologues me montre régulièrement combien ce « non vouloir » est important. Je me souviens ainsi de cette étudiante en sophrologie qui accompagnait une femme souhaitant arrêter de fumer. Tellement convaincue que cet objectif était forcément une excellente idée, la sophrologue n’a pas été suffisamment attentive au fait que sa cliente envisageait un arrêt progressif, exprimant sans doute de cette façon quelques doutes quant à sa volonté réelle de cesser de fumer. Résultat : un accompagnement tellement efficace que la cliente a du arrêter complètement la cigarette au bout de deux séances totalement dégouttée par le tabac. Sauf qu’elle ne s’en est pas trouvée satisfaite car elle s’attendait à diminuer progressivement sa consommation et non de façon si brutale. Elle n’a d’ailleurs pas souhaité refaire de séance. Et c’est au cours de la supervision que la jeune sophrologue a admis qu’elle avait fait sien cet objectif d’arrêter de fumer au point de le vouloir presque plus que sa cliente elle-même !
La tentation de vouloir pour l’autre est également très facile lorsque l’on accompagne quelqu’un qui veut se préparer à un examen ou à un concours. L’objectif paraît tout à fait positif et « écologique » au sens social du terme c’est-à-dire qui ne compromet pas l’équilibre personnel, familial et social d’un individu. Pourtant, combien de personnes ai-je accompagnées dans de telles circonstances et qui finissaient par se rendre compte que leur objectif ne leur appartenait pas et était un moyen de répondre à une injonction familiale ou sociale.
Dans ces conditions, le sophrologue doit-il considérer qu’il a échoué en ne guidant pas son client vers la réussite mais en lui permettant une prise de conscience majeure qui lui redonne les rennes de sa vie ? La réponse semble évidente. Le sophrologue, comme tout thérapeute, a une obligation de moyens et non de résultats.
Cet élément me paraît fondamental dans le processus d’autonomisation qu’il se doit de mettre en œuvre vis-à-vis de son client. Seul ce dernier est responsable de sa demande, de l’objectif qu’il se fixe et des résultats atteints. La responsabilité du sophrologue sera de cadrer, de guider et de mettre tout son savoir-faire et toute son expérience au service de son client et garder toujours en tête qu’il ne doit rien vouloir pour son client mais juste être là, présent et disponible lors des séances. Et si cette posture s’avère trop difficile à tenir avec certains clients, il est alors également de la responsabilité du sophrologue de se faire superviser.
Sylvie Renoulet
Fondatrice de Sophrolia
Consultations de sophrologie à Sélestat et Colmar
Formation de sophrologue en Alsace